Nos comportements, une question de chimie

Réf. blog : VE3 - Date de mise à jour : 08-04-2019

La collaboration de plusieurs neurones a engendré des « circuits », et le regroupement de plusieurs neurones a permis l'apparition d'organes, dont l'ensemble a fini par constituer un cerveau. Les circuits et les organes influencent notre comportement à notre insu. En comprenant leur fonctionnement, vous commencerez déjà à relativiser vos émotions.

Pourquoi certains de nos comportements sont innés

Des « circuits » sont transmis de génération en génération

La fabuleuse diversification des neurones entraîne l'apparition de « circuits », qui sont des chemins privilégiés suivis par les influx nerveux.

Les neurones se sont diversifiés par leurs fonctionnalités ou par leurs formes.
Ainsi, certains neurones se sont regroupés pour ne s'occuper que du traitement des perceptions sonores, d'autres, identiques aux précédents, se sont spécialisés dans le calcul, etc.
Ou encore, on observe des neurones aux formes et aux propriétés distinctes : certains sont sensibles à la lumière, d'autres au son, certains savent exciter des muscles (ce sont les motoneurones), d'autres inhibent un influx nerveux, d'autres l'excitent, etc.
Mais les neurones se sont aussi diversifiés par leurs neurotransmetteurs (rappelez-vous, ce sont les « billes » qui passent d'un neurone à l'autre pour transmettre l'influx nerveux), ainsi que par leurs récepteurs (ce sont des « capteurs de billes » sur un neurone).
Il apparut donc plusieurs sortes de neurotransmetteurs, et plusieurs sortes de récepteurs correspondants, ces récepteurs pouvant être en nombre variable suivant les neurones.
Un même neurone pourra également posséder plusieurs types de récepteurs; un récepteur donné captera alors certains neurotransmetteurs et pas d'autres.
Supposons qu'un neurotransmetteur donné, par exemple le neurotransmetteur « ocytocine », arrive à un neurone.
Si celui-ci ne possède pas de récepteur pour l'ocytocine, il ne laissera pas passer l'influx.
Dans le cas contraire, il le transmettra, mais seulement à des neurones possédant des récepteurs pour l'ocytocine.
On comprend ainsi, que, suivant le type de neurotransmetteur, la transmission de l'influx nerveux suivra certains chemins et pas d'autres.
Nous appellerons ces chemins des « circuits ».
Ainsi, la diversification des neurotransmetteurs et des récepteurs a permis l'apparition de circuits.

Le déclenchement de l'instinct maternel

Comment un circuit commande les contractions de l'accouchement ou la production de lait chez la future mère.

L'apparition de neurotransmetteurs et récepteurs spécifiques eut donc une conséquence importante : elle entraîna l'apparition de « circuits spécifiques » pour l'influx nerveux, en fonction du neurotransmetteur à l'origine de cet influx nerveux.
Chacun de ces circuits pouvait relier plusieurs organes.
Par exemple, considérons les « campagnols » sortes de rats des champs ; chez les campagnols de l'Illinois, le neurotransmetteur ocytocine est impliqué dans les contractions de l'accouchement et la lactation.
C'est-à-dire que l'arrivée à maturation du fotus par l'organisme déclenche (probablement sous forme de synthèse de protéines) une sécrétion d'ocytocine, qui engendre elle-même des commandes, telles que les contractions et la production de lait.
L'événement déclencheur initial, soit ici l'arrivée à maturation du fotus, est donc à l'origine de toute une série de circuits spécifiques, engendrant des comportements spécifiques, ceux-ci étant identiques de génération en génération.
En ce sens les circuits peuvent être considérés comme des « mémoires ancestrales ».
Bien évidemment, ces « mémoires » ont permis une meilleure adaptation de l'animal.

L'activation d'un circuit est toujours associée à une valorisation.
Ainsi, la mère est heureuse d'allaiter ses petits.

La femelle campagnol qui produit du lait éprouve un plaisir physique, et donc une valorisation, à allaiter.
Par ailleurs, grâce à l'apprentissage associatif, la production de lait et l'allaitement sont étroitement associés à la perception visuelle, sonore ou olfactive de petits.
Donc, pendant des générations, il y a eu association entre la production de lait, le plaisir d'allaiter, une valorisation positive, la vision des petits, le fait de les lécher, etc.
 : ainsi, l'animal était toujours heureux en présence de ses petits.
Avec l'évolution, il est probable que la sécrétion d'ocytocine fut associée directement aux comportements maternels précédents, ainsi qu'à un circuit de valorisation positive, et cela de manière innée.
Tous ces circuits furent transmis de génération en génération, ce qui explique, après l'accouchement, l'intérêt immédiat de la femelle pour ses petits, c'est-à-dire l'instinct maternel.

Comment la chimie fait de nous de bons ou de mauvais parents

Comment aimer des enfants qui ne sont pas les siens, ou au contraire, délaisser ses propres enfants.

Des expériences sur les rats campagnols ont montré l'importance incroyable des neurotransmetteurs dans leur comportement.
On a injecté de l'ocytocine dans le cerveau d'une femelle campagnol vierge : elle est devenue immédiatement très « maternelle » avec des petits (qui ne sont évidemment pas les siens); elle les lèche, les protège, .
Inversement, si l'on supprime la circulation de l'ocytocine dans le cerveau d'une rate venant d'avoir des petits, son instinct maternel disparaît immédiatement : elle se désintéresse totalement de ses enfants.
On constate la même chose pour une brebis ! On peut donc supposer que l'injection d'ocytocine active plusieurs circuits liés à l'instinct maternel, et permet l'augmentation des valorisations liées à ces circuits : par exemple, le circuit de « l'action de lécher », le circuit de « telle odeur », etc.

Comment devenir monogame quand on est polygame.

Donnons un autre exemple, cette fois chez les campagnols mâles : suivant les espèces, les campagnols peuvent être à tendance marquée polygame ou monogame.
Or, on observe qu'une augmentation d'un autre neurotransmetteur, la vasopressine, dans une aire précise du cerveau (le pallidum ventral) d'un campagnol mâle « polygame » le rend monogame ! On constate également que, outre sa fidélité, la vasopressine augmente l'instinct paternel du campagnol mâle .
Si maintenant, on diminue ce neurotransmetteur dans une autre aire du cerveau (l'amygdale médiane), on supprime le comportement d'attachement paternel aux petits : il ne les caresse plus, ne les lèche plus, etc.

Notre santé et notre âge dépendent de circuits « internes »

Nous possédons des circuits qui déclenchent des « mouvements » internes : la faim, le stress, le sommeil,...

Une commande interne est une commande de « mouvement » qui se produit à l'intérieur du corps de l'animal.
Par exemple, une commande qui fait lever le bras est une commande externe, et une commande qui fait battre plus fort le cour est une commande interne.
Quel est l'intérêt des commandes internes ? Elles contribuent à « préparer » immédiatement le corps, à le mettre en condition, à orienter le comportement, en particulier face à une perception qui nécessitera une commande externe urgente.
Ces commandes internes peuvent être « positives », comme la salivation, l'excitation sexuelle, le sommeil.
Elles préparent alors à des situations de subsistance, reproduction, sécurité.
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Mais ces commandes peuvent aussi être négatives, comme l'accélération du cour avec libération d'adrénaline, d'où la sensation de stress, l'augmentation de la température du corps, la contraction de l'estomac, la fatigue musculaire.
Elles préparent alors à des situations de danger, de faim, de fatigue, de maladie.
Ces commandes internes s'accompagnent généralement de libération d' « hormones », qui sont des molécules libérées dans le sang dans le but de déclencher une action particulière.

Chez les bébés, il existe des circuits, nécessaires à leur bonne croissance, qui sont déclenchés par l'affection qu'on leur apporte !
Chez les mammifères, les bébés isolés de leurs parents ne peuvent pas survivre.
Il semble que chez les bébés, des circuits spécifiques, nécessaires à la bonne croissance, soient déclenchés par la perception de caresses, de contacts.
Des expériences ont en effet prouvé que les bébés, humains ou non, ont besoin d'un contact physique, manifesté par exemple par des caresses.
Ainsi, des bébés rats que l'on isole à la naissance ne grandissent plus pour la plupart, et plusieurs meurent !.
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Dans tous les cas, plusieurs fonctions physiologiques sont déréglées : période de sommeil, rythme cardiaque, tension artérielle, activité des lymphocytes, température du corps.

Un stress fréquent peut vieillir une personne de plus de dix années.

Les scientifiques ont constaté que le vieillissement apparent d'une personne est fortement lié à la taille des extrémités des chromosomes de ses cellules : en effet, à chaque fois que nos cellules se reproduisent au cours de notre vie (environ 70 fois), les extrémités de nos chromosomes, appelées « télomères » rétrécissent.
Lorsque les télomères ont atteint une taille critique minimale, les cellules meurent : cela conduit aussi à la mort de l'individu.
Récemment, des chercheurs de l'Université de Californie, San Francisco, ont effectué une étude sur les télomères des cellules de femmes qui avaient vécu, durant une longue période, un stress important : ils ont alors observé que ceux-ci sont plus courts que ceux de femmes non stressées du même âge.
La taille des télomères des femmes stressées était si courte qu'elle correspondait à la taille que l'on trouve habituellement sur des femmes ayant dix années de plus.

Des médicaments peuvent modifier les circuits du stress, du sommeil, ou même de l'érection

Nos émotions, et en particulier nos comportements dépressifs, dépendent de circuits à « sérotonine ».

Les noyaux de neurones qui synthétisent le neurotransmetteur « sérotonine » sont tous localisés dans le tronc cérébral, et leurs axones, très longs, se projettent dans plusieurs endroits spécifiques du cerveau (et tout particulièrement les zones du cortex frontal, et du système limbique).
On peut donc imaginer qu'il existe plusieurs circuits distincts reliant ces différents organes.
Mais quel est le point commun entre tous ces circuits à sérotonine ? L'expérience montre que toutes ces zones sont connues pour leur rôle important dans les émotions.
Il semble donc que, suivant la localisation de l'augmentation initiale de sérotonine, tel ou tel circuit soit activé, déclenchant telle ou telle émotion.
Globalement, on constate que si une personne ne possède pas assez de neurotransmetteurs « sérotonine », elle sera dépressive.
C'est la raison pour laquelle l'action principale des antidépresseurs est de permettre l'augmentation de la quantité de sérotonine dans ces circuits.

Les circuits à « neurodrénaline » sont également liés aux émotions.

De même, les neurones qui synthétisent le neurotransmetteur « noradrénaline » traversent globalement les mêmes organes que ci-dessus ; on constate qu'ils sont également liés à des fonctionnalités liées aux émotions.

Notre sommeil est commandé par des circuits à « Gaba ».

Des neurones responsables du sommeil existent dans le cerveau humain, dans une petite région à la base du cerveau, l'« aire pré-optique ventro-latérale».
Actifs durant le sommeil, inactifs sinon, ces neurones libèrent un neurotransmetteur qui leur est propre, le neurotransmetteur « Gaba ».
A l'inverse, on a identifié, dans d'autres régions du cerveau, des neurones qui sont actifs durant l'état de veille et inactifs durant le sommeil.
La venue du sommeil est donc liée à l'augmentation du neurotransmetteur Gaba.
C'est pour cette raison que les somnifères sont des médicaments qui facilitent la transmission des Gaba, en favorisant certains récepteurs des neurones à neurotransmetteur Gaba.
D'autres médicaments, qui agissent sur d'autres récepteurs du neurone à neurotransmetteur Gaba, ne faciliteront pas le sommeil, mais seront plutôt des anxiolytiques, c'est-à-dire des médicaments contre l'anxiété.

Le plaisir que nous ressentons dépend de circuits à « dopamine ».

De même, il existe des neurones qui synthétisent le neurotransmetteur « dopamine » (ils sont appelés neurones dopaminergiques).
Encore une fois, on constate que ces neurones sont localisés dans des zones très précises du cerveau.
La dopamine est un neurotransmetteur qui engendre des propriétés très visibles : elle permet la sensation de plaisir et de satisfaction.
Ainsi, les drogues, dont la morphine, sont des substances qui augmentent la production de dopamine dans le cerveau ; de là découle la sensation d'euphorie des toxicomanes.

Les circuits à « monoxyde d'azote » commandent l'érection.

Il existe aussi des neurotransmetteurs de motricité spécifiques à une fonction donnée, qui ne sont pas dans le cerveau.
Pour anecdote, citons le neurotransmetteur « monoxyde d'azote », au niveau du pénis, qui permet l'érection.
Le médicament « Viagra » qui a permis de lutter contre les troubles de l'érection, agit sur ce neurotransmetteur.

En conclusion, notre comportement dépend des quantités de nos neurotransmetteurs.

En conclusion, on peut donc associer des circuits à neurotransmetteurs et récepteurs identiques à une ou plusieurs fonctionnalités générales, soit physiologique, soit comportementale.
Des disfonctionnements ou des mauvaises concentrations des neurotransmetteurs et récepteurs de ces circuits auront donc des conséquences concrètes au niveau de notre comportement, physiologique ou psychologique : nausée, bâillement, vertige, trouble digestif, maux de tête, rougeurs, trouble de la vision, insomnie... Ou encore : dépression, manque de confiance en soi, anxiété, émotivité, optimisme, euphorie, manque de concentration et d'attention, etc.






 

[Le cerveau]