Un conte de Lao Tseu ( IVème siècle av. J-C.)

Réf. blog : CS1 - Date de mise à jour : 25-01-2020


Comprendre l'origine de ses motivations permet de mieux faire ses choix, d'être bienveillant avec ceux qui nousentourent, et plus serein face aux événements que nous ne maîtrisons pas.
Nous sentons instinctivement que tous les événements de la vie n'ont pas la même valeur, et parfois, nous aimerions savoir comment donner une juste signification aux choses, en relativiser certaines, en apprécier d'autres plus intensément.

Un conte de Lao Tseu ( IVème siècle av. J-C.) nous rappelle l'importance de cette relativisation :

Un pauvre et vieux chinois suscitait la jalousie des plus riches du pays parce qu'il possédait un cheval blanc extraordinaire. Chaque fois qu'on lui proposait une fortune pour l'animal, le vieillard répondait : - « Ce cheval est beaucoup plus qu'un animal pour moi, c'est un ami, je ne peux pas le vendre. »

Un jour, le cheval disparut. Les voisins rassemblés devant l'étable vide donnèrent leur opinion :
- « Pauvre idiot, il était prévisible qu'on te volerait cette bête. Pourquoi ne l'as-tu pas vendue ? Quel malheur ! »
Le paysan se montra plus circonspect :
- « N'exagérons rien dit-il. Disons que le cheval ne se trouve plus dans l'étable. C'est un fait. Tout le reste n'est qu'une appréciation de votre part. Comment savoir si c'est un bonheur ou un malheur ? Nous ne connaissons qu'un fragment de l'histoire. Qui sait ce qu'il adviendra ? »

Les gens se moquèrent du vieil homme. Ils le considéraient depuis longtemps comme un simple d'esprit.
Quinze jours plus tard, le cheval blanc revint. Il n'avait pas été volé, il s'était tout simplement mis au vert et ramenait une douzaine de chevaux sauvages de son escapade.

Les villageois s'attroupèrent de nouveau :
- « Tu avais raison, ce n'était pas un malheur mais une bénédiction. »
- « Je n'irais pas jusque là, fit le paysan. Contentons-nous de dire que le cheval blanc est revenu. Comment savoir si c'est une chance ou une malchance ? Ce n'est qu'un épisode. Peut-on connaître le contenu d'un livre en ne lisant qu'une phrase ? »

Les villageois se dispersèrent, convaincus que le vieil homme déraisonnait. Recevoir douze beaux chevaux était indubitablement un cadeau du ciel, qui pouvait le nier ?
Le fils du paysan entreprit le dressage des chevaux sauvages. L'un d'eux le jeta à terre et le piétina. Les villageois vinrent une fois de plus donner leur avis :
- »Pauvre ami ! Tu avais raison, ces chevaux sauvages ne t'ont pas porté chance. Voici que ton fils unique est estropié. Qui donc t'aidera dans tes vieux jours ? Tu es vraiment à plaindre. »
- « Voyons, rétorqua le paysan, n'allez pas si vite. Mon fils a perdu l'usage de ses jambes, c'est tout. Qui dira ce que cela nous aura apporté ? La vie se présente par petits bouts, nul ne peut prédire l'avenir. »
Quelque temps plus tard, la guerre éclata et tous les jeunes gens du village furent enrôlés dans l'armée, sauf l'invalide. - « Vieil homme, se lamentèrent les villageois, tu avais raison, ton fils ne peut plus marcher, mais il reste auprès de toi tandis que nos fils vont se faire tuer. »
« Je vous en prie, » répondit le paysan, « ne jugez pas hâtivement. Vos jeunes sont enrôlés dans l'armée, le mien reste à la maison, c'est tout ce que nous puissions dire. Dieu seul sait si c'est un bien ou un mal. »


Notons que Schopenhaueur (dans "Aphorisme sur la sagesse dans la vie", 1880) nous dit à peu près la même chose :
"Nul événement ne doit nous faire éclater en grands éclats de joie ni de lamentations, en partie à cause de la versatilité de toutes choses qui peut à tout moment modifier la situation, et en partie à cause de la facilité de notre jugement à se tromper sur ce qui nous est salutaire ou préjudiciable; ainsi il est arrivé à chacun, au moins une fois dans sa vie, de gémir sur ce qui s'est trouvé plus tard être tout ce qu'il y avait de plus heureux pour lui, ou d'être ravi de ce qui est devenu la source de ses plus grandes souffrances. "

Quand on y réfléchit, il est vrai que nous passons beaucoup de temps à réagir aux événements, agréables ou désagréables, qui nous arrivent.
Et nous faisons rarement le bilan de leurs conséquences.

L'histoire précédente nous montre que le vieux paysan, qui pouvait paraître très fataliste au début de l'histoire, se révèle au final un personnage sage, qui relativise beaucoup les événements à priori négatifs qui lui arrivent, ce qui lui permet de mieux faire face aux événements de la vie, qu'ils apparaissent bons ou mauvais.
Ce récit est certes exagéré, car il encourage une certaine passivité. En effet, dans notre vie quotidienne, il arrive régulièrement que nos actions modifient le cours des événements dans le sens que nous souhaitons leur donner à long terme.

Cependant, cela n'est pas du tout systématique.
Quels que soient nos efforts, nous ne pourrons jamais maîtriser totalement ce qui arrive, et c'est la raison pour laquelle nous devons rester humbles dans nos jugements sur les événements qui jalonnent notre vie, et être prudents et mesurés dans nos choix de vie.







 

[La confiance en soi]